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Christine Lagarde
The President of the European Central Bank
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Entretien avec La Provence

Entretien accordé par Christine Lagarde, Présidente de la BCE, à Geneviève Van Lède le 5 juillet 2023

7 juillet 2023

Comment situez-vous les Rencontres économiques d`Aix-en-Provence (REA) sur la scène internationale : comme un Davos provençal ?

Comme un rendez-vous très important qui stimule les échanges sur les questions économiques, à l’instar du forum de Sintra, au Portugal, que la Banque centrale européenne organise tous les ans depuis dix ans, ou de son pendant américain de Jackson Hole. Vous mentionnez Davos, mais il me semble que Davos est moins exclusivement économique. Rien d’étonnant à cela puisque c’est le Cercle des économistes qui organise ces journées d’Aix.

Quel impact les REA ont-elles sur la région ?

Vous citiez Davos pour parler du Forum économique mondial. Le nom du forum est connu mais celui de la station suisse de Davos l’est peut-être davantage encore pour le désigner. C’est que les lieux sont importants et Aix l’est pour les Rencontres. Je pense d’ailleurs que c’est un lien durable qui lie Aix et les Rencontres. Ceci constitue une chance pour la ville et pour la Région, car nul ne peut douter des retombées dont elles profiteront, tout comme d’ailleurs pour le Cercle des économistes, qui bénéficie d’un cadre authentique et inspirant pour ses échanges. Mais je peux m’imaginer que c’est aussi un certain défi, car tous les ans il faut être à la hauteur du succès de l’édition précédente.

Vous intervenez ce soir sur la place des femmes, qu’allez-vous dire à l’assemblée ?

D’abord que ma priorité est bien le maintien de la stabilité des prix. Mais ça ne m’empêche pas de défendre une cause qui m’est chère depuis plus de 40 ans maintenant. Une cause d’ailleurs qui est éminemment liée à l’économie – que l’on pense aux femmes qui ont très souvent la responsabilité des achats dans les familles, même les plus importants. Dans ce débat exclusivement féminin, animé par Emmanuelle Auriol, et rassemblant aussi Laurence Boone et Louise Mushikiwabo, j’entends me concentrer sur les aspects économiques, la contribution des femmes à l’économie. Et comment ne pas déplorer le manque de progrès sur ces questions et ne pas proposer de solutions pour y remédier.

Comment décririez-vous cette contribution ?

On peut la qualifier de trois manières. D’abord elle est insuffisante lorsqu’on la compare à celle des hommes. Ensuite elle est ignorée. « Le travail à la maison », essentiellement féminin, passe sous le radar des calculs de production de richesse, comme celui du produit intérieur brut. Enfin il s’agit d’une contribution mal rémunérée. Non seulement parce que le salaire des femmes est encore inférieur à celui des hommes, à emploi équivalent, mais aussi du fait du travail à la maison dont je parlais, et car beaucoup de femmes travaillent – à travers le monde – dans des emplois non déclarés.

Quelles solutions existent pour changer les choses ?

Premièrement, beaucoup de pays ont voté des lois qui permettent de lutter contre les discriminations et éviter les écarts de salaires, mais elles ne sont pas assez appliquées. Deuxièmement il faut développer les infrastructures ou mécanismes qui permettent aux parents (…pas seulement aux femmes…) de s’occuper de leurs enfants, la France est bien placée dans ce domaine. Troisièmement, il y a un changement fondamental à opérer dans nos habitudes. Il faut arrêter de penser que seules les femmes peuvent s’occuper de la vaccination des enfants, et leur faire réviser leurs devoirs. La société, les employeurs doivent également encourager les congés de paternité pour ne prendre qu’un exemple.

L’inflation est-elle enfin maîtrisée ?

Elle a entamé un reflux, passant d’un niveau, d’inflation à deux chiffres au début de l’automne 2022 à un niveau inférieur de moitié aujourd’hui, à 5,5% pour l’ensemble de la zone euro en juin, les chiffres français étant un peu plus faibles. Cela est notamment lié à la baisse du prix des matières premières et de l’énergie et – je crois pouvoir dire aussi – aux premiers effets de nos décisions de politique monétaire sur les prix. Le prix des produits alimentaires augmente moins vite également. Mais le niveau de l’inflation est encore supérieur à l’objectif de 2% que nous nous sommes fixé à moyen terme et le restera en 2024 et 2025 selon les estimations de nos équipes. Nous avons donc encore du travail à accomplir pour réduire l’inflation et atteindre notre objectif.

Qu’en est-il de la croissance ?

Sur les deux derniers trimestres, nous avons une croissance plate, très légèrement négative au 4e trimestre 2022 (-0,1%) et nulle pour le premier trimestre 2023. Nous estimons que la croissance pour l’année 2023 sera de 0,9 % pour la zone euro, très légèrement moins pour la France, mais nous devrions revenir à notre potentiel de croissance à l’horizon 2024-2025.

Les entreprises peuvent-elles augmenter les salaires comme le demandent leurs collaborateurs ?

La période récente de forte inflation ne s’est pas accompagnée d’une baisse des marges bénéficiaires des entreprises qui ont même augmenté dans certains cas, notamment quand la demande de produits et de services était supérieure à l’offre. En parallèle, les salaires ont aussi augmenté davantage que prévu. Dans le contexte actuel, la question importante est de savoir si les entreprises vont réduire un peu leurs marges pour répondre aux attentes d’augmentation de salaires de leurs employés et leur redonner du pouvoir d’achat, comme cela s’est généralement produit au cours des épisodes inflationnistes précédents, ou bien si l’on va assister à une double augmentation, des marges et des salaires. Des augmentations simultanées des marges et des salaires accroîtraient les risques d’inflation, face auxquels nous ne resterions pas sans agir.

Comment la France peut-elle réduire sa dette ?

Toutes les dettes des pays de la zone euro ont augmenté au moment du Covid. Il faut, maintenant que la crise sanitaire est derrière nous et que les prix de l’énergie ont reflué, retirer un certain nombre des programmes d’aide mis en place, comme le bouclier énergétique en France et adopter une trajectoire de finances publiques qui permette de réduire la dette à la bonne cadence. Et cela, tous les pays peuvent le faire.

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